Le Violon
Dans le grenier de la maison de mon enfance, il y avait des violons, flûte, clarinette… et j’allais en cachette essayer ces instruments… Cela m’intriguait que l’on puisse tenir le violon sur l’épaule sans qu’il glisse ! C’est comme cela que j’ai commencé le violon, à l’âge de 11 ans, jusqu’à en obtenir, en 1986, un Premier Prix au Conservatoire Royal de musique de Bruxelles et devenir un professionnel de la musique.
J’ai été violoniste dans divers orchestres en Belgique et au nord de la France, de 1983 à 2005, notamment au sein de « Charleroi-Opérettes » du Palais des Beaux-Arts de Charleroi. J’y ai appris le répertoire classique et celui des « chansons d’antan« . C’est ainsi que jouer du violon pour sublimer des cérémonies de mariages et animer des goûters de maisons de retraite me procurent énormément de joie. J’utilise aussi bien sûr le violon (le premier instrument des 12 que je pratique actuellement!) dans mes spectacles et concerts !
Mon parcours de violoniste m’a conduit des études classiques (très…) à la légèreté romantique des opérettes. Ce n’était que le début de mon cheminement : je me suis ensuite intéressé au violon baroque et ai suivi pendant 2 années les excellents conseils de Benoit Douchy et Guy Van Waes au Conservatoire Royal de Musique de Mons), à l’intégration de l’ humour dans la musique (de 2007 à 2013, j’ai fait partie du FFortissimo Orchestra: quintette à cordes bruxellois qui a accompagné le fameux spectacle d’humour musical « Mozart vs Mozart« ), je me suis ouvert à la musique irlandaise (stages en 2009 avec le violoniste Daniel Gourdon) et enfin, aujourd’hui, je joue aussi de la musique traditionnelle suisse, notamment avec le groupe EthnoYoutze.
En tant que professeur de violon, j’ai exercé, de 1989 à 2007, dans diverses Ecoles de musique en Belgique (notamment au Conservatoire de Musique de Charleroi). De 2008 à 2012, j’étais établi à Châlons-en-Champagne (France), où j’ai enseigné à l’ Ecole de musique Prieur de la Marne et dans les associations des villages environnants. Depuis mon installation dans le pays de Gex (France) en juillet 2012, je donne mes cours de violon dans un local dédié à la musique, à Thoiry (Ain): j’y forme mes élèves à tous les styles qui ont jalonné mon parcours !
Voici d’ailleurs la vidéo d’un enregistrement original et unique, réalisé en multi-track (une autre de mes passions …), avec un morceau connu par les joueurs de cors des Alpes, pourtant joué ici au violon: Hymne Suisse romande
A propos du violon baroque
Mes années d’étude du violon baroque ont transformé mon existence d’une manière telle que je ne peux m’empêcher de vous en parler avec passion !
Le violon baroque est un violon, ancien ou moderne, construit ou transformé pour ressembler le plus possible à ce que l’on a découvert au sujet des violons de l’époque baroque.
Violon français du 18ème siècle signé JIBASTIEN et sa magnifique tête sculptée
Quelques caractéristiques physiques du violon baroque :
Les caractéristiques physiques du violon baroque – et de l’instrument à cordes baroque en général – en font un instrument vraiment très différent du violon plus moderne :
- l’âme est plus épaisse
- la barre d’harmonie est généralement plus courte
- le renversement du manche en angle droit induit moins de tension
- les cordes en boyau produisent moins de pression sur la table que les cordes modernes en métal (qui sont seulement apparues vers la moitié du 20è siècle)
- la touche courte a un poids différent et apporte un équilibre général différent…
une touche courte et en forme de sifflet
un manche au renversement à angle droit
des cordes en boyau de moutons
un tire-cordes simple et sans « tendeurs »
Ces différences de conception dans la construction amènent aussi des différences dans la façon de jouer le violon baroque : le violon est placé davantage à gauche et simplement posé sur la clavicule, au lieu d’être coincé entre l’épaule et le menton.
Photos d’Ingrid Bourgeois, violoniste spécialiste du violon baroque
Cela déroute les habitudes du violoniste moderne, et pourtant :
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- Il devient alors nécessaire pour le violoniste de « s’ancrer dans le sol » : c’est le violoniste qui tient, pas le violon…
- Le violon n’est pas « fixé » à l’épaule à gauche, de façon statique, avec la seule partie droite du corps mouvante pour manier l’archet, mais les deux parties du corps sont actives, libres dans les mouvements, équilibrées dans leurs actions.
- Une énergie considérable qui est, dans le cas du violon moderne, enfermée dans le cercle restreint du violon et du bras droit, peut s’exprimer dans cet espace tellement plus grand, dans des cercles infinis à gauche et à droite, jusqu’à toucher le public, et communiquer davantage d’émotions, partager…
Jouer avec des cordes en boyau, alors qu’il y a, depuis la moitié du 20è siècle, des cordes en métal de plus en plus performantes : refuser le progrès ?
Ca sonnait tellement mal la première fois que j’ai joué sur des cordes en boyau que j’en étais dégoûté, cependant après quelques conseils avec Benoit Douchy, j’ai compris que:
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- Les cordes en boyau nécessitent une technique d’archet plus conscientisée, centrée. J’entre alors en communion intime avec le violon pour chaque note, je produis un son d’une profondeur inégalable, et cela m’amène un plaisir immense.
- Le violon baroque est un partenaire qui propose sa résonance. Il est impossible de le dompter par du « forcing » mais il est plutôt révélateur de l’état d’âme intérieur.
Mon expérience :
J’ai le plaisir de découvrir la vie, des sentiments, plein de libertés… dans un répertoire que je ressentais auparavant comme inerte, vide d’émotions.
C’est aussi la recherche d’authenticité. La question posée est : « Qu’est-ce que le compositeur a voulu dire ? » et non : « Qu’est-ce que je vais pouvoir faire avec cette composition ? ». Cela apporte aussi beaucoup d’humilité…
La démarche d’être d’abord un être humain, ensuite un musicien, et puis un violoniste, me plaît. Ce que je propose au public est ce que je « suis » en tant que personne et non ce que je « produis ». Jouer dans l' »être » et non dans le « paraître » : pas d’idées de performances, de compétitions. Dans notre monde actuel, souvent basé sur l’apparence, la recherche de plaisirs extérieurs, la réussite à tout prix… cela me fait du bien !
NB : Il est bien sûr possible de jouer du violon moderne dans cet état d’esprit, cependant c’est à travers mon expérience avec le violon baroque que j’ai pu le découvrir.
Voici une vidéo d’un exposé sur le violon baroque
Evolution des archets à travers les époques
Les compositeurs ont composé leurs œuvres en fonction des instruments et des archets disponibles à leur époque. Les styles des œuvres évoluant, des techniques de fabrication différentes ont été utilisées afin de les interpréter idéalement.
- L’archet baroque, avec pas ou très peu de cambre, permet une attaque plus nette, une articulation plus détachée sans effort, sans devoir soulever l’archet de la corde. Le son s’atténue vers la pointe (ceci est volontaire à l’époque).
- L’archet classique, avec son cambre plus prononcé (en « S »), est en parfaite adéquation avec la musique de Haydn, Mozart et avec la tension des cordes des instruments de l’époque: la sonorité est riche, les possibilités de jeu, quoique différentes de celles de l’archet moderne, s’en rapprochent un peu.
- L’archet moderne, grâce à son cambre très prononcé jusqu’à la pointe, son poids plus élevé et la répartition égale de la mèche de bout en bout, permet le sautillé, le legato et une homogénéité parfaite du son du talon à la pointe.
Archets réalisés par Bruno Sporcq
Le cambre
16e siècle, Renaissance
L’archet n’a pas du tout de cambre, il a une forme complètement convexe.
Début 17e siècle, Baroque
Début du cambre, l’archet n’a plus la forme convexe
Début 18e siècle, Baroque
Le cambre se généralise, commençant à donner à l’archet une forme concave, peu ou assez prononcée selon les modèles
Fin 18e siècle, Classique (modèle Dodd)
Les archets deviennent très cambrés, sauf à la pointe
Fin 19e siècle, Moderne (modèle Vuillaume)
Les archets deviennent très cambrés, jusqu’à leur pointe
La longueur et le poids de l’archet
- Aux 16e et 17e siècles, les longueurs varient de +/- 40 cm à +/- 75 cm pour l’archet de violon, suivant la musique à interpréter : court pour les danseries, plus long pour la sonate.
- A à la fin du 18e siècle, les longueurs se standardisent peu à peu, en moyennne un peu plus court que l’archet moderne : environ 70 cm pour l’archet de violon.
- Au milieu du 19e siècle, la longueur est arrêtée à +/- 73/74 cm pour l’archet de violon.
- Depuis le milieu du 19e siècle, la tendance va vers un alourdissement de l’archet : de 50 à 55 gr au 19e siècle jusqu’à 65 gr pour l’archet de violon contemporain (c’est le poids de l’archet d’alto du 19e siècle).
La hausse
Au 16e siècle (Renaissance), la hausse est coincée : il n’y a pas de système à vis pour tendre la mèche. Le bouton factice est juste décoratif.
Vue sur une hausse imitation 17e siècle (Baroque) : sur ce modèle la hausse est toujours coincée et le bouton est décoratif. Néanmoins à cette époque, un système à crémaillère apparaît comme moyen de tension du crin. Ce système n’aura pas beaucoup de succès car la hausse n’est pas bien maintenue.
Au début du 18e siècle (fin Baroque), la hausse à vis est utilisée pour les
archets de prix. La hausse coincée reste utilisée jusqu’à la moitié du siècle pour les archets communs.
A la fin du 18e siècle (Classique), le système à vis est généralisé.
Au milieu du 19e siècle (Moderne), la hausse est fermée par un passant qui bloque la mèche dans sa largeur maximale.
Atelier de fabrication d'un archet baroque
Bienvenue chez Bruno Sporcq, archetier spécialisé en archet baroque, à Saint Denis (à côté de Mons, en Belgique).
Les bons archets modernes sont fabriqués en bois de pernambouc, que l’on trouve sur la côte atlantique du Brésil (International Pernambouc Conservation Initiative : IPCI).
Les archets baroques sont fabriqués principalement en bois d’amourette, qui vient de Guyane et du nord de la forêt amazonienne. Ce bois, plus lourd encore que le pernambouc, (presque 2 fois plus que le chêne !), est aussi très résistant et très « résiliant » (capacité de revenir très vite à sa forme initiale lorqu’on relâche la tension).
« Mise en planches » de 12 mm d’épaisseur coupées « sur quartier« , c’est-à-dire de manière à avoir les cernes de croissance parallèles aux champs de la planche.
« Traçage » du contour de la baguette au moyen d’un gabarit :
si le bois est de bonne qualité (notamment sans fissures, ou fentes), 3 baguettes pourront être découpées à partir de cette planche.
« Détourage » (découpage) de la baguette
« Rabottage » des 4 faces de la baguette, à l’œil pour commencer, en mesurant ensuite…
Opération délicate du « cambrage » de la baguette : il s’agit de la chauffer à sec jusqu’à la température qui permet de la plier.
En refroidissant, la baguette gardera la forme que l’archetier lui a donnée.
A l’aide d’un rabot racloir – spécialement construit ici par Bruno, comme beaucoup d’outils d’ailleurs qui n’existent pas dans le commerce – …
« mise en forme » octogonale (avec 8 faces) de la baguette.
« Façonnage » de la tête de la baguette au couteau, finition à la lime et ensuite au papier de verre.
Les arêtes des 8 faces sont arrondies à l’aide de papiers de verre de plus en plus fins.
La baguette sera ensuite coupée à la longueur exacte désirée afin de pouvoir travailler le talon (côté opposé à la pointe).
Travail du talon : un trou de 3 mm de diamètre est fait à l’intérieur de la baguette, dans lequel pourra se mouvoir plus tard la vis servant à tendre la mèche de l’archet.
Vue ici de l' »épaulement« : petite sculpture sur laquelle le bouton servant à tendre la mèche viendra s’emboîter parfaitement, garantissant ainsi la solidité de l’assemblage.
« Mortaise » : un trou dans lequel pourra se mouvoir d’avant en arrière l’écrou de la hausse.
L’ensemble vis et écrou permettra de tendre la mèche.
« Feuillure » dans la baguette : opération qui consiste à sculpter dans la baguette l’emplacement sur lequel viendra coulisser la hausse.
« Polissage » de la baguette, d’abord au papier de verre très fin (2000), ensuite au cuir (ici) et enfin à la pâte à polir.
Puis passage de la baguette à l’huile siccative.
« Mortaise » de la tête : confection du trou dans lequel viendra s’emboîter le bout de la mèche.
Travail de la hausse : vue sur 2 hausses différentes et sur le morceau de bois qui a servi à les fabriquer.
Dégrossie à la scie et aux rabots, la hausse est taillée au couteau, terminée aux racloirs, puis polie.
Autre opération délicate : après avoir mesuré l’exact milieu, verticalité… ,
on trace et on perce un trou (de 2,75 mm dans le bois et de 2,80 mm dans l’ivoire) dans lequel viendra se loger l’écrou
« limage » de l’écrou : mise à dimension de l’écrou à la lime
La coulisse est creusée au ciseau, terminée à la lime.
La gorge pour le passage du crin, sur la face opposée, se creuse elle-même au ciseau.
Après avoir fait un trou au forêt, la mortaise est terminée au ciseau.
Mise en place de l’écrou
Les boutons sont fabriqués:
- en bois (d’ébène, d’amourette ou palissandre)
- en argent
- en ivoire de mammouth (le seul ivoire en commerce libre, car considéré comme minéral et non animal par le CITES)
Tournage du bouton
« Mèchage« , avec du crin de Mongolie (fin et très résistant): les crins sont soigneusement comptés, 5 par 5…
« Nœud » de la mèche avec du fil de lin : 5 à 6 tours très serrés
Le bout de la mèche est brûlé et enduit de colophane, encore brûlé ensuite, afin que tous les crins soient bien collés ensemble
« Taille » du taquet : petite pièce de bois d’alisier ou d’érable qui coincera la mèche, une à la tête, une autre à la hausse).
Mise en place du taquet :
à la pointe
et
à la hausse
Contrôle de la rectitude du cambre de la baguette…
Dernière opération : après le mèchage (ou remèchage), correction du cambre.
Rem : une mèche perd son élasticité après un certain temps et usage : elle privilégie moins les sonorités graves, elle casse plus facilement à cause des acariens.